Un jour de navigation

4h00 UTC-8

Une alarme retentit, je me lève. Cette nuit, le dessalinisateur a fait son quart de 6 heures, le bidon de 30L est plein. Le dessal fournit 5L d’eau douce par heure pour 5A consommés. Avec 15 Nds de vent apparent au vent arrière, le bateau file à plus de 5 Nds permettant à l’hydrogénérateur de compenser tout les consommateurs : pilote et dessal, les plus gourmands mais aussi le PC, l’instrumentation et les feux de navigation (LED). Pourquoi un dessal ? Pour une question de poids embarqué, grâce à lui, il n’y a jamais plus de 96L d’eau douce à bord, 56L dans le réservoir du circuit sous pression connecté au robinet de la cuisine, 10L dans un sac solaire pour se rincer après la douche à l’eau de mer et les 30L du bidon qui attendent d’être transvasés dans l’un et l’autre. Au même chapitre du poids et des fluides : pour alimenter le moteur hors-bord nous avons quitté le continent avec 74L d’essence. Son usage est réservé aux rares manœuvres de mouillage qui en nécessitent ou en cas d’urgence (homme à la mer par exemple). Il y en a trop peu pour faire de la route au moteur, nous sommes donc totalement tributaire du vent pour avancer. J’enlève la clé du coupe-circuit du dessal et ferme la vanne d’entrée d’eau de mer, remonte l’hydrogénérateur car la batterie est pleine puis après un tour d’horizon, rentre me coucher.

6h00 UTC-8

Le jour pointe. Sans doute réveillé par un bruit de souffrance du gréement, j’en profite pour éteindre les feux de navigation en tête de mât, passer l’instrumentation en mode jour – couleurs vives et luminosité maximale -, incliner le panneau photovoltaïque vers l’Est, droit sur notre arrière puis je retourne compléter ma nuit.

8h10 UTC-8

Une deuxième alarme retentit, je me lève. 24h se sont écoulées, il est temps de scinder l’enregistrement de la trace dans OpenCPN, le logiciel de navigation. Je manipule le fichier gpx de la trace afin de réduire sa taille au maximum. Carina émerge, arrange ses longs cheveux en prenant soin d’en mettre un peu partout puis prépare le petit déjeuner à base d’ avena (avoine), banane écrasée, cacahuètes, raisins secs et lait en poudre. Un rituel que nous apprécions beaucoup. Contrairement au trajet de Juan Fernández à l’île de Pâques, nous bénéficions d’un meilleur ensoleillement et de plus de vent, le panneau photovoltaïque et l’ hydrogénérateur fournissent de l’électricité en abondance. Du coup, Carina porte l’eau à ébullition avec des thermoplongeurs 220V achetés au Brésil durant notre périple à Brasilia. Cette méthode prévôt pour diluer l’avena, faire du thé, du couscous et même pour préchauffer l’eau des pâtes cuitent à l’autocuiseur. Ainsi nous économisons du gaz et gagnons en autonomie car les bouteilles Camping Gaz au format français sont difficiles à recharger de par le monde.

9h00 UTC-8

Je connecte l’antenne déportée à l’Iridium et l’Iridium au PC, envoie un mail avec la trace en pièce jointe à une adresse monitorée par WordPress qui en publie le contenu sur intothewind.fr sous la rubrique « Dernière position du bateau ». A ce stade, Laurence et Pa’ prennent le relais pour mettre la Google Maps du site à jour avec la nouvelle trace. Je profite du même envoi pour faire une requête météo au serveur ZyGrib. C’est aussi le moment magique où nous recevons vos SMS gratuits que nous lisons et relisons avec délectation. Dix minutes plus tard, je réceptionne le fichier Grib et démonte l’Iridium et son antenne. Pour le matériel qui s’ utilise peu, je privilégie les solutions amovibles qui minimisent le temps passé à subir les éléments naturels, eau, sel, soleil, vent, et qui favorisent la portabilité et la polyvalence.

9h30 UTC-8

La journée débute sans nuage et la chaleur l’accompagne. Un temps idéal pour se rafraichir, à tour de rôle, accroupis sur le passavant tribord, nous nous aspergeons d’eau du Pacifique et nous nous lavons au gel douche car avec l’eau de mer salée, le savon ne mousse pas.

10h00 UTC-8

Je regarde de plus près le fichier météo Grib pour confirmer ou pas la stratégie de navigation en cours, poursuis l’écriture de ce texte. Carina installe les deux lignes de pêche à la traîne, contrôle les denrées périssables à utiliser en priorité, parfois le menu s’impose de lui même.

12h00 UTC-8

Ca sent bon ! Carina a cuisiné, à table ! Au menu, patates au beurre, patates douces de l’île de Pâques, sardines (en boîtes) en oignons à la mayonnaise, salade de choux et carottes râpées à l’huile d’olives. Un bonheur pour les papilles !

13h00 UTC-8

Le vent a tourné, par deux fois la GV a claqué, elle veut empanner, seule la retenue de bôme l’en empêche. Je modifie le cap, mais nous ne faisons plus la route directe.

13h30 UTC-8

J’empanne la GV et change le génois tangonné de côté, une opération classique, mainte fois répétée, qui me prend cinq minutes tout au plus. Le cap est meilleur bien que toujours pas sur la route directe, mais le vent doit refuser et nous permettre de viser notre objectif, l’atoll Ducie.

14h00 UTC-8

La fatigue nous rattrape, nous nous vautrons dans le carré sur le parterre de bidons d’essence vides formant mezzanine, c’est parti pour une sieste réparatrice.

16h00 UTC-8

Le vent a fraichit, le manque d’appui des voiles n’est plus à l’ordre du jour, je débraie les amortisseurs de la GV, préférant un maintien ferme de la bôme, notamment de sa retenue, car avec un ris elle reste puissante pour le temps.

16h30 UTC-8

Je compulse la cinquantaine de documents ou pdf agrégés au fil du temps sur les îles du Pacifique. Carina écrit pour sa famille des textes agrémentés de dessins, elle prend le tout en photo afin de pouvoir l’ envoyer rapidement à la prochaine connexion internet, elle appelle ça « carta en botella » (lettre en bouteille) devenue « Letters in a bottle ».

18h30 UTC-8

La nuit est tombée. Carina rembobine les lignes de pêche, comme d’habitude nous sommes bredouilles de poissons mais cette fois nous ne déplorons pas la perte des leurres en forme de poulpes. J’allume les feux de navigation en tête de mât, passe l’instrumentation en mode nuit – couleurs rouge et noire, luminosité minimale -, immobilise le panneau photovoltaïque en position horizontale. Dans notre course vers l’Ouest, les voiles en ciseaux masquent le soleil dès la mi-journée, le manque à charger du panneau est important. Je mets l’hydrogénérateur à l’eau.

19h00 UTC-8

Carina aux fourneaux nous cuisine un bonheur dont elle a le secret : du pain imprégné d’œufs en omelette et de fromage fondu avec des oignons assagis au sel et des carottes râpées à la mayonnaise, un régal !

20h00 UTC-8

Un peu de travail d’écriture avant d’aller imiter Carina, elle à bâbord, moi à tribord, nous sombrons dans le sommeil. Le bateau livré à lui-même semble très bien savoir où il nous emmène.

22h00 UTC-8

Contrôle de routine. La nuit est sombre, la lune attend son heure à l’Est sous l’horizon, la voie lactée boutonne la grande cape noire du ciel. Le bateau marche bien, je profite longuement de ces instants magiques avant de regagner ma bannette. Carina ressemble à une marmotte dans le coma. Par solidarité, elle me demande si tout va bien, l’heure qu’il est, si le cap est bon et se rendort avant que j’ai le temps de lui répondre.

24h00 UTC-8

Contrôle de routine. La lune entre en scène. Le gestionnaire de batterie m’informe que le plein d’ampères est fait, je remonte l’hydrogénérateur et réintègre ma bannette.

2h00 UTC-8

Contrôle de routine. La lune poursuit sa course. Pas de grain sur notre arrière, le vent visite peu la fausse panne, le cap du bateau sur le PC est bon et les vagues sont clémentes, RAS, je peux retrouver ma marmotte favorite.








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La trace GPS du bateau, nos traces GPS à terre (en trek, en stop…) et nos waypoints d’escales dans le Pacifique Sud sont visibles et téléchargeables gratuitement à partir de cette carte du voyage interactive. Sur un fond d’images satellites, vous pouvez zoomer, vous déplacer et cliquer sur les traces et les escales de L’Envol pour obtenir plus d’information.

Envoyé le 3/04/2016 par téléphone satellite depuis l’Océan Pacifique, GPS 24 59.91 S 120 10.88 W

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