Planète Kimberley

Stats Australie :

Position : Broome
Arrivée : 6/10/2019
Distance parcourue : 3’173 Mn
Temps passé : 113 jours
Moteur : 42 Mn
Mouillages : 76
Visa restant : 253 jours

Nous passons une semaine à Darwin, le temps de se préparer pour notre prochaine étape, le Kimberley. Nous sommes déjà début septembre, c’est tard en saison. Tout notre problématique est de parcourir dans la même saison des zones de navigation particulièrement vastes mais surtout très éloignées l’une de l’autre : la côte NE et ses îles sous couvert du Great Barrier Reef et la côte du Kimberley sont distantes de plus de 1’500 milles !

Centre ville de Darwin !

Centre ville de Darwin !

Le meilleur moment pour naviguer dans ces deux contrées s’étend de juin à octobre durant l’hiver austral. Avant juin le risque de cyclones est encore présent, après octobre il y a le risque de violents orages avec le début de la mousson puis en décembre la saison cyclonique débute. D’ailleurs, chaque jour des voiliers arrivent dans Fannie Bay de retour de leur trip dans le Kimberley. Ainsi nous aurons des informations fraîches de différents bateaux, merci à James et Hannah du cata (Wharram) Tangaroa, Michael et Liz du cata Cosmic Drift.

L’Envol dans le Kimberley
de Darwin à Broome
du 4/09 au 6/10/2019
277 heures de navigation réparties sur 31 jours navigués
1’085 Mn dont 34 Mn au moteur
7 îles, 38 mouillages
96,9% à la voile
vitesse moyenne : 3,9 Nds

Le Kimberley, un challenge à bien des niveaux

Certainement la partie de côte la plus reculée et la plus difficile d’accès d’Australie, le Kimberley recouvre une immense région sauvage, inhabitée (mise à part quelques rares fermes perlières), sans villes, sans commodités et surtout sans couverture mobile. Du coup, afin d’avoir la météo à bord, le téléphone satellite reprend du service. On décide de ne pas poursuivre avec E-Sat et de passer par un agent australien. Cette fois on part sur une solution courte avec un prepaid Iridium pour 2 mois.

En approche de Koolama Bay

En approche de Koolama Bay

King George River peu après le franchissement de la barre

King George River peu après le franchissement de la barre

Twin Falls, L'Envol et Harmony au mouillage

Twin Falls, L’Envol et Harmony au mouillage

En montant sur le plateau

En montant sur le plateau

King George River, un des joyaux du Kimberley

La côte qui borde le vaste plateau du Kimberley est très découpée, entaillée de nombreuses rivières et fjords. Ces échancrures ainsi que la bande du littoral s’étendant entre un et cinq milles au large sont souvent mal ou pas cartographiées (mention « Unsurveyed Area » sur la carte), des cailloux affleurants manquent à l’appel ou bien sont décalés. A moins de s’écarter au large, naviguer de jour, à vue, est recommandé. Compte tenu de l’ampleur des marées le risque de toucher quelque chose est à priori limité à la basse mer. Les images satellites mises en cache durant l’escale dans le logiciel SASPlanet seront d’une grande aide.


SASPlanet, un logiciel incontournable qui permet de naviguer offline sur différents fonds de carte

En saison, le Kinberley est soumis à des coups de SE modérés à forts. En effet, la rencontre des alizés et des vents du quadrant NW des anticyclones en formation dans la Great Australian Bight (Sud Australie) créent une zone de renforcement des vents (squash zone).

En fin de saison, cette côte située sous le vent des alizés est généralement déventée, soumise aux caprices des brises locales (SW le matin, NW le soir) plutôt molles, les locaux naviguent dans de larges proportions au moteur. Avec moins de 60 litres d’essence embarquée, on s’emploiera pour faire de la voile. Du fait de la structure en escaliers de la côte du Kimberley, toutes les allures peuvent défiler dans une même journée. Typiquement, une progression vers l’Ouest signifie du louvoyage, un contournement de cap des vents adonnants, une descente au Sud, du portant.

Dans le contournement du Cape Londonderry

Dans le contournement du Cape Londonderry

Deception Bay, mouillage Nord ou mouillage Sud ?

Deception Bay, mouillage Nord ou mouillage Sud ?

1’085 milles effectués à la voile, 34 milles au moteur

Le gennaker sera la pièce maîtresse de notre progression sous voiles, un élément indispensable, LE corollaire à l’usage du moteur. Il sera déroulé à toutes les sauces : accompagné de la GV du près au travers, seul au largue, en papillon avec le génois tangonné du grand largue au vent arrière. Au final moins de 20 litres d’essence seront consommés (pour 34 milles parcourus au moteur) surtout pour ressortir des rivières ou gorges. Tant mieux car faire le plein ici est toute une aventure qu’il faut anticiper avec des pré-requis qu’il faut satisfaire : quantité minimum, prix majorés, à prépayer ou pas à Darwin, rendez-vous avec la barge flottante à ne pas louper… Moyennant quoi, si tout va bien, il y a, à priori, trois points de carburant répartis sur le trajet.

Au fond, l’étroiture des Horizontal Falls (Talbot Bay)

Au fond, l’étroiture des Horizontal Falls (Talbot Bay)

Fond de carte Bing Maps dans le logiciel SASPlanet

Fond de carte Bing Maps dans le logiciel SASPlanet

Le courant qui passe par les étroitures successives atteint 30 nœuds en pleine marée, d’où le nom d’Horizontal Falls. Seule la première est franchissable à l’étale par un voilier, les jet boat des charters passent en force à pleine puissance

Plus on progresse vers l’Ouest plus les marées deviennent importantes. Dans le Kimberley de l’Ouest (Talbot Bay – King Sound), elles atteignent 10 mètres en vives-eaux ! A la voile, pas facile de faire coïncider les horaires tardifs de la brise (à partir de 11 heures) et les 6 heures du flux à faveur, on a parfois dû lutter contre le courant encore maniable dans le Kimberley du Nord puis déborder sur la nuit avec le jusant avant que la brise ne meure dans le Kimberley de l’Ouest.

Pleine mer

Pleine mer

Basse mer

Basse mer

Otages des vives-eaux à Crocodile Creek

Otages des vives-eaux à Crocodile Creek

Le lit de la rivière asséchée

Le lit de la rivière asséchée

L’ascenseur de Crocodile Creek

Il faut donc s’attendre à des navigations de jour, par étapes, dans un dédale d’îles et de rivières (dont certaines restent encore à explorer) avec une multitude de mouillages potentiels. Un voyage qui pour être à l’aise nécessite environ deux mois. En tournant au plus court les principaux caps on totalise 355 milles mais de King George River à Cape Leveque nous en ferons plus de 670 en 26 jours et 32 mouillages ! Pressés par la saison cyclonique qui approche nous parcourrons en moyenne 26 milles par jour. A ce rythme nous avons eu un bon aperçu du Kimberley, mais certains voiliers le sillonnent chaque année avec le même bonheur, explorant de nouvelles zones, remontant des rivières improbables, tel des pionniers émancipés des routes galvaudées.

Le Kimberley est un terrain de jeu bien défendu car venant de l’Est il faut d’abord franchir les 230 milles du golfe Joseph Bonaparte. Réputé pour ses vents évanescents qui lui valent son surnom de « Blownapart Gulf », il peut aussi s’y développer, en cas de squash zone de SE, une mer escarpée du fait de ses faibles profondeurs.

Au près sous gennaker

Au près sous gennaker

Laborieuse traversée du golfe Joseph Bonaparte

Il nous faudra trois jours pour le traverser dans des vents légers au près et au louvoyage. Afin d’optimiser notre progression, les virements de bord se caleront logiquement sur la bascule de vent due à l’alternance des brises de jour/nuit. Meilleur 24h : à peine 86 milles ! A mi-chemin, nous quittons l’état du Northern Territory (UTC+9:30) pour celui du Western Australia (UTC+8:00).

Plus qu’un filet d’eau à Osborne Islands

Plus qu’un filet d’eau à Osborne Islands

Nous sommes en fin de saison sèche et nous savons que l’eau potable sera difficile à trouver, les cascades majeures comme celles de King George River ne coulent plus !

On découvre à Darwin des bidons aux mensurations idéales qui s’arrangent dans le carré dans un Tetris parfait, ils portent à 180 litres notre autonomie en eau. Heureusement car fin septembre, la température qui commence à atteindre des sommets augmentera notre consommation d’eau assez drastiquement.

Un Tetris de 3 bidons bleus alignés

Un Tetris de 3 bidons bleus alignés

Comme les points d’eau sont souvent au fond des creeks, on sera très limité sans moteur d’annexe car les remontés de rivières (salées) depuis les mouillages sont trop longues pour être parcourues à la rame et qu’il n’y a que 2 à 3 heures disponibles autour de la pleine mer avant que le lit de la rivière ne s’assèche.

Avec des marées de 6 à 10 mètres, on perd ou gagne facilement un mètre ou plus par heure !

King Cascade à marée haute, l’opportunité de faire un rapide plein d’eau avant que le bassin assèche (Prince Regent River)

De plus quand la brise se lève, il devient difficile d’étaler le vent et les vagues à la seule force des bras surtout avec l’annexe chargée de 70 litres d’eau ! Quand c’est possible, pas d’autre choix que de se rapprocher au maximum avec L’Envol en prenant un mouillage temporaire à marée haute à portée de rames du point d’eau. Au total, on fera le plein à trois sources et deux cascades.

Remontée de rivière à pleine mer jusqu’au point d’eau quatre étoiles de Squatters Arms (Silver Gull Creek)

Le spot incroyable de Crocodile Creek

On essaiera bien de se simplifier la vie en remettant en route notre petit dessal Power Survivor 40-E mais cette solution ne marchera que le temps de faire une trentaine de litres avant qu’une fuite rébarbative n’apparaisse. La dernière utilisation remontait au début du Pacifique et il laissait déjà un goût de sel. Un achat que je regrette, cher, pas fiable et finalement inutile dans notre façon de naviguer.

Enfin, les crocodiles omniprésents supposent en théorie une annexe motorisée de plus de 3 mètres en alu. Nous ne faisions pas les malins à la rame dans notre embarcation gonflable de 2 mètres et 12 Kg, côtoyant des crocs deux fois plus longs ! Intelligents, leur comportement est dans un premier temps plutôt observateur immobile à distance puis leurs réactions éventuelles temporisées par la logique du moindre effort et l’opportunisme.

Gardien du point d’eau à King Cascade (Prince Regent River)

Gardien du point d’eau à King Cascade (Prince Regent River)

En annexe, nous étions vigilants, les regardions dans les yeux et embarquions un kit : la gaffe pour étendre virtuellement la taille de notre annexe, la corne de brume qui, à l’usage, les faisait se cacher sous l’eau et au cas où, un couteau de plongée. Les baignades ou snorkeling dans la mer sont bien sûr proscrits. Notre meilleure défense résidait dans le fait de ne pas s’attarder sur leur territoire afin de ne pas leur laisser le temps d’appréhender notre routine.

Mais pourquoi braver tant de difficultés ?

Baobabs à Ivy Cove (Glauert Island)

Baobabs à Ivy Cove (Glauert Island)

D’abord parce que nous espérions renouer avec un parfum de Patagonie dans ce trip à l’autonomie allongée, traversant une contrée sauvage et authentique, désertée en cette fin de saison.

Mais aussi pour le plaisir de faire partie de ce paysage de roches aux nuances de rouge infinies ; pour le plaisir de s’immerger dans des billabongs, ces vasques aux écrins sableux ; pour le plaisir d’enlacer les troncs lisses de baobabs centenaires ; pour le plaisir de naviguer sans houle, dans des vents menus à notre dimension.

Enfin pour le challenge en tant que tel et sa promesse de nous donner plus d’expérience, donc plus d’aisance et de sérénité pour les navigations ultérieures.

Coucher de soleil à Osborne Islands

Coucher de soleil à Osborne Islands

Les très attractives Osborne Islands

Le Kimberley garde aussi la mémoire de ses premiers occupants, aborigènes ou même plus anciens encore, avec des peintures rupestres magnifiques. Partout où un caillou suffisamment surplombant pouvait prétendre à servir de toit, on trouve des dessins représentant des animaux ou des humains, il reste encore tant à découvrir à ce sujet, le vaste Kimberley conserve encore bien des mystères…

Art Creek (Swift Bay)

Art Creek (Swift Bay)

Mouillage à Wary Bay (Bigge Island)

Mouillage à Wary Bay (Bigge Island)

Lever de soleil sur Steep Island

Lever de soleil sur Steep Island

Après le Cape Leveque, 130 milles de côte nous ramènent à la civilisation. Le 6 octobre nous mouillons à Broome, une petite ville de 15’000 habitants, base de départ et d’arrivée dans le Kimberley de l’Ouest.

A suivre…

————–

La trace GPS du bateau, nos traces GPS à terre (en trek, en stop…) et nos waypoints d’escales en Australie sont visibles et téléchargeables gratuitement à partir de cette carte du voyage interactive. Sur un fond d’images satellites, vous pouvez zoomer, vous déplacer et cliquer sur les traces et les escales de L’Envol pour obtenir plus d’information.

Publié le 8/11/2019 depuis le mouillage de Town Beach, ville de Geraldton, Champion Bay, Western Australia, GPS 28 46.41 S 114 36.23 E

Envie de nous donner un coup de main ? Visites la page de financement participatif de L’Envol : www.intothewind.fr/crowd-funding/ ou cliques sur le bouton « Faire un don ».








engaged like button

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>