Surf dans Magellan





# Navigation dans les canaux de Patagonie, suite # Depuis la caleta Emilita où je vous ai laissé, une météo exceptionnelle nous aura permis de naviguer 8 jours sur 9 perdant plus de 2 degrés de latitude Sud et gagnant plus de 3 degrés de longitude Ouest. 245 milles auront été parcourus dont 110 milles à la voile, la consommation d’essence s’établit à la baisse à 1,43 litre par heure ! Il nous reste 114 milles à courir jusqu’à Puerto Natales, soit l’équivalent de 4 jours de nav ! Nous sommes au tiers de notre prévision de temps ! Tout cela est théorique car nous allons devoir ralentir, un front froid puissant, 7 Beaufort avec rafales à 44 noeuds, vient à notre rencontre mercredi et jeudi prochain. Notre camp de base pour l’affronter sera la caleta Dardé à 15 milles de la caleta Teokita (puerto Profundo) d’où je vous écris. Remonter plus Nord jusqu’à la caleta Victoria, qui répond aussi aux exigences de protection pour du gros temps, serait possible mais nous rapproche aussi de l’épicentre. Il parait plus judicieux de prendre le temps avec 2 jours de pause ici et 5 jours ou plus à la caleta Dardé puis de saisir le flux de SO post-perturbation qui nous permettra, avec de la chance, de continuer à la voile dans le canal Smyth. Retour en arrière : de la caleta Emilita, le canal O’Brien nous mène à l’ entrée du canal Ballenero où nous trouvons un abri au fondeadero Plum pour le coup de vent du lendemain. Le mouillage situé au fond d’une baie, entre la côte et un ilet, est magnifique, l’eau transparente. Le calme avant la tempête nous offre un spectacle d’une mer miroir où la terre et son reflet se dispute l’authenticité. L’amarrage à 6 cordes (cf photo) ne trouvera finalement pas sa justification car l’endroit est bien protégé et seules quelques rafales sans grande conviction nous parviendront. Nous profitons d’un vent portant pour remonter le canal Ballenero à la voile, puis la bahia Desolada et le début du canal Brecknock jusqu’au paso Aguirre où le petit mouillage de puerto Atracadero, déjà encombré d’un bateau de pêcheurs puis bientôt deux, nous héberge pour la nuit. Il faut dire que la saison de pêche à la centolla (crabe royal) débute. Du canal Brecknock au canal Ocasion nous voilà rendu à la caleta Brecknock, caleta mythique nichée au sein d’une arène de pierres pelées par les vents grimpant vers les cieux comme une cathédrale. Les quelques arbres qui survivent ici, poussent dans les poches de protection situées sous le vent d’une roche en en exploitant méticuleusement tout l’espace disponible, matérialisant de ce fait le trajet du vent. Nous nous lavons dans un lac surplombant la baie à grand renfort de cris pour faire abstraction de l’eau glaciale et de la température extérieure avoisinant les 5 degrés. Le canal Ocasion nous mène au canal Cockburn ouvert sur l’Océan Pacifique. Un lieu respecté des marins car la protection des canaux s’interrompt le temps de le traverser pour rejoindre le canal Barbara. Ce dernier (interdit par l’ Armada), nous offre un raccourci de 50 milles sur la route officielle (le canal Cockburn), et jonctionne le célèbre détroit de Magellan 27 milles à l’Ouest du cabo Froward (la fin du continent Sud Américain). Second avantage, c’est 45 milles de moins à remonter dans le tunnel d’ accélération du vent et du courant de ce détroit à la sévère réputation. Bref, nous traversons Cockburn à la voile, dans la plus complète facilité, soulevé par la houle du Pacifique doublée du clapot typique des canaux. Dans le canal Barbara, une caleta sans nom, douée d’une végétation luxuriante, juste avant la caleta Caranca, sera notre destination pour la nuit. Le lendemain, avant d’embouquer Magellan, il faudra s’accorder avec le paso Shag. Une étroiture de 200m de large et 1,5 mille de long, produisant 7 noeuds de courant de marée. La meilleur option consiste à le passer à l’étale de pleine mer pour bénéficier ensuite d’un courant portant, facilitant la traversée du détroit de Magellan jusqu’à la caleta Gallant située sur l’autre rive. Par chance, l’étale de pleine mer est à 15H nous laissant le temps de parcourir les 15 milles entre la caleta et le paso que nous espérons passer dans la foulée. Signe que nous sommes dans les temps, une foultitude d’oiseaux stationnent sur les eaux mortes que criblent de multiples tourbillons bousculant le bateau de droite et de gauche. Les eaux immobiles qui se rencontrent ici s’opposent avec force et l’atmosphère s’en ressent, une sensation de danger impalpable et de puissance en sommeil emplie l’espace tandis que nous évoluons au sein d’ une nature comme figée, mais pour un temps seulement. Au-delà du paso, de nombreux jets d’eau brumisée et des ailerons caractéristiques nous indiquent la présence de rorcual comun (ballena de aleta). La traversée du détroit se fera sous voiles, au travers, aidé du courant portant. Réminiscence de temps ancien, nous passerons la nuit à l’ancre, sans plus de corde, au milieu de la bahia Fortescue (caleta Gallant). Une météo anémique nous permet de franchir le paso Tortuoso sans encombre. Il semble que de nombreux navires se soient donné le mot : 3 bateaux de pêche et 2 cargos nous tiendront compagnie durant cette journée sans vent, une bénédiction dans ces contrées. Nous en profitons pour faire 40 milles, dont les derniers seront sous voiles, jusqu’à la caleta Notch qui matérialise le début du paso Largo de Magellan. Une deuxième nuit à l’ ancre se passe dans l’espoir d’un lendemain sous voiles au portant. Nous vérifions in-situ la capacité de Magellan à démultiplier la force du vent qui l’emprunte, d’une prévision d’ESE 4 Beaufort avec « rafales » à 13 noeuds, nous encaissons jusqu’à 41 noeuds au portant sous GV haute sans voile d’avant. Carina, après une euphorie due aux surfs répétés du bateau, est sujette à un mal de mer naissant, mais sa fierté de « mujer del Europa del Este » ne lui permet pas de l’admettre, pourtant elle s’allonge et dort 2 heures ! Pour l’approche finale la GV est affalée et nous terminons sous génois seul partiellement enroulé (cf photo). Jusqu’à la caleta Uriarte, 45 milles seront avalés en 7h45, soit 5,8 milles/h, notre meilleur moyenne ! Des surfs à 9 noeuds et un record à 11 noeuds ! C’est dans ces parages que Joshua Slocum passa 1 mois à attendre des conditions acceptables pour pouvoir continuer plus Ouest ! Franchir le Paso del Mar qui matérialise la fin de Magellan n’est pas une sinécure, cet endroit ouvert sur le Pacifique est balayé par les dépressions et la morphologie des canaux engendre des williwaws (rafales) jusqu’à 70 noeuds ! Nous ne verrons rien de tout cela, le lendemain notre Paso del Mar se fera au portant, les voiles en ciseaux, avec 20 à 35 noeuds de vent. Carina prend sa revanche sur elle-même, mettant un point d’honneur à rester dans le cockpit, sous la pluie et dans le froid, stoïque comme « una mujer del Europa del Este » ! Plus loin, le paso Tamar franchi, nous entrons dans le canal Smith, à partir duquel les canaux s’orientent résolument N-S. L’ islote Fairway doublé, nous investissons la caleta Teokita : pose des amarres et lavage corporel dans le rio du fond à la nuit tombante… # Légendes img1 : fondeadero Plum, amarrage à 6 cordes, img2 : bain à la caleta Brecknock, img3 : caleta Brecknock, img4 : surf dans Magellan # Merci à Pa’ sans qui ces news bien couteuses ne seraient pas possible, à Odile pour les colis et les confirmations de publication, à Ricou pour le matériel Petzl et les bricolages, à Bruce et Laurence pour le pantalon de nav, à Valeria por las botas de goma, à Tamara por la ropa de invierno, à Claudia por las savanas, à Carolina y Dina por su ayuda en preparacion de viaje, à Camila por « la carta de amigos », à Gabriela y Julio por el brownie, à Denis pour les fromages et le thermomètre, à todos los amigos de Puerto Williams por los emotivos almuerzos y cenas de despedida, à Gwendal et Touline pour leur soutien, à Erik et Miguel pour leur aide à la préparation du bateau pour la Patagonie. Une pensée spéciale à Mam’ et pleins de bisous à toute la famille # Vous pouvez nous envoyer un SMS gratuit sur le téléphone satellite du bord (881631639125) à http://messaging.iridium.com

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La trace GPS du bateau et nos waypoints d’escales en Patagonie sont visibles et téléchargeables gratuitement à partir de cette carte du voyage interactive. Sur un fond d’images satellites, vous pouvez zoomer, vous déplacer et cliquer sur les traces et les escales de L’Envol pour obtenir plus d’information.

Envoyé le 5/06/2015 par téléphone satellite de la caleta Teokita (puerto Profundo), GPS 52 41.58 S 73 45.77 W

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