Les trésors cachés de Wallis

Iles Wallis et Futuna
du 3/09 au 1/10/2017, 28 jours d’escale
7 Mn
1 île, 2 mouillages
97,1% à la voile
passe Honikulu franchie à la voile (entrée + sortie)

Nous quittons Savai’i dans des conditions encore musclées, la première soixantaine de milles est avalée à un rythme soutenu au vent arrière les voiles en ciseaux, 12 heures de navigation à 5,5 Nds. Puis plus tôt et de façon plus prononcée que la prévision météo ne le laissait supposer, le vent nous lâche progressivement. Le deuxième jour, la dernière trentaine de milles avant la passe Sud de Wallis est particulièrement laborieuse, plus de 9 heures de navigation à 3,3 Nds. Nous perfectionnons la formule « tout dessus » – symbiose du ciseaux et du papillon – avec l’adjonction de la gaffe comme tangon pour tenir la trinquette sous le vent.

Passe Honikulu, léger décalage de la carte CM93

Passe Honikulu, léger décalage de la carte CM93

Dans le prolongement, la passe Honikulu est franchie sans encombre sous voiles, nous sommes à deux heures de la marée haute, le flot atténue le flux sortant du lagon. Dans un vent évanescent, compensé par notre vent apparent, nous remontons la dizaine de milles du chenal de Wallis, d’abord au louvoyage, puis au près, enfin au travers jusqu’à Mata Utu, la capitale. Etonnamment, elle porte le même nom que notre point de départ des Samoa, la baie de Matautu sur l’île de Savai’i !

Huitième étape de la transpacifique des Samoa à Wallis

Huitième étape de la transpacifique des Samoa à Wallis

Récapitulatif de l’étape :

du 31/08 au 2/09/2017
238 Mn – 2 jours et 6 heures de navigation effectuée à la voile
vitesse moyenne : 4,4 Nds
jour 1 : 119 Mn
jour 2 : 100 Mn
jour 3 : 19 Mn

Nous entérinons le franchissement de la ligne de changement de date, passant de UTC-11 à UTC+12 ! Mais nous aurions déjà dû avancer les horloges du bord en atterrissant à Apia car cette ligne imaginaire passe entre les Samoa Américaines et les Samoa. Du coup, nous passons du 2 au 3 septembre en un éclair.

Partis des Samoa 24 heures après nous, Gérald, Sandrine et leurs enfants adolescents, nous rejoignent dans la baie de Mata Utu 12 heures après notre atterrissage. Partis plus tard, ils rapportent un calme généralisé.

Wallis comme un gant

Mouillage de Gahi

Mouillage de Gahi

Après deux nuits et le retour de l’alizé, nous quittons la baie de Mata Utu sujette à un fetch supérieur à deux milles au profit de la baie de Gahi. Prudent, nous mouillons d’abord proche de sa sortie mais la taille menue de L’Envol nous permet de jeter l’ancre tout au fond, là où la protection est la meilleur, avec juste ce qu’il faut de place pour éviter, entre corail, faible profondeur et bateaux sur bouées. Le mouillage est calme, juste un peu de clapot à marée haute. Comme nous sommes sur la côte Est, face à l’alizé, le bateau ventile bien et il n’y a pas de moustique. Cerise sur le gâteau, nous captons France Inter à bord et les bulletins d’information de France Info qu’elle rediffuse. A terre, une source permet de faire la lessive et le plein d’eau pour se laver sur le bateau. Kalea, le chef du village, nous autorise à utiliser l’arrivée d’eau potable. Sur le bord de mer, un bâtiment blanc abrite des petites mains, ici les femmes fabriquent ces tapis fait de feuilles de pandanus séchées, découpées en nattes puis tressées avec du ruban synthétique de couleur, ils serviront de cadeau pour la coutume.

Valérie toute à son ouvrage

Valérie toute à son ouvrage

La « grande » ville de Mata Utu avec ses magasins et internet est à quinze minutes à peine en stop. Chaque soir, les va’a de l’école locale déambulent placidement autour des bateaux dans la lumière tamisée du crépuscule. Bref, la situation à Gahi est décidemment excellente !

Le stop fonctionne si bien que nous pouvons découvrir l’île d’Uvea sans entrave. Dommage qu’il n’y ait pas de culture de la marche à Wallis car depuis l’avènement du 4×4 les chemins ancestraux ont disparu sous la jungle.

Un samedi, alors que nous pensons faire le tour de l’île, Edwige et Violette nous prennent en stop. Elles s’apprêtent à embarquer sur le petit catamaran d’inspiration polynésienne de Philippe en compagnie d’autres amis, un mélange de locaux et d’expatriés de l’Education Nationale. Elles nous invitent dans leur virée aux confins Nord du lagon de Wallis, là où émergent du récif deux petites îles abritant une colonie d’oiseaux. Une journée ornithologique mais aussi gastronomique car les wallisiens aiment les weekends gargantuesques. Nous rentrons au bateau chargés des reliefs de ce repas mémorable. Merci Philippe, Edwige et Violette !

Ilots aux oiseaux en bateau stop

Wallis nous plaît, dénuée de la moindre infrastructure touristique, sans pancarte, sans carte, sans chemin. Peu soucieuse de son apparence, elle se dévoile telle qu’elle est : une île isolée, perdue dans l’immensité du Pacifique. Il faut s’employer pour découvrir les trésors qu’elle recèle, dissimulés dans la jungle, on les frôle sans même soupçonner leur existence.

Il nous faudra plusieurs jours de persévérance, avec l’aide de l’imagerie satellite et du GPS, pour débusquer le cratère au fond duquel se niche le lac Lalolalo puis trouver l’improbable et alambiqué cheminement qui permet d’y descendre pour s’y baigner ! C’est en empruntant la RT1, une route en terre qui longe son flanc Ouest et à l’occasion de la future visite du Secrétaire d’Etat, que nous verrons le service communal et celui de la culture débroussailler les cinquante mètres de jungle opaque dissimulant l’accès au point de vue sur le cratère. Nous avions approché ce dernier à moins de quatre-vingts mètres par son flanc Est sans pour autant parvenir à l’apercevoir !

Le lac Lanutuli ne sera jamais atteint, des insectes volants, invisibles, appelés fourmis électriques, auront raison de ma détermination, j’en prends pour une demi-heure de démangeaison extrême ! Un excellent point de vue permet d’apprécier le lac Lanutavake mais pas de chemin pour descendre dans son cratère particulièrement profond. A condition de se frayer un passage à travers la végétation, les petits lacs Lanumaha et Lano, se laissent aborder.

Ce n’est pas que ce qui nous est donné à voir soit spécialement spectaculaire, mais nous aimons arpenter Wallis, jouer à l’explorateur dans une « chasse aux trésors » dont l’issue n’est jamais garantie. Ainsi, nous passerons sans les voir à une centaine de mètres des vestiges tongiens de la côte Ouest. Plus tard, l’excursion guidée de la journée du patrimoine rattrapera cette incongruité.

Buffet wallisien

Buffet wallisien

 
Dans l’enceinte du fort tongien « Talietumu », une collation mémorable est offerte aux participants.

Debout et à mains nues, les papalagis (en wallisien, ceux qui arrivent de très loin) se saisissent de la nourriture, le lait de coco coule entre leurs doigts, la télé locale est là qui filme, serait-ce un « dîner de c.. » en réunion ?

Un jeune médecin tatoué, expatrié fraîchement débarqué, assiste à la scène incrédule, offusqué par les manquements aux règles de l’hygiène la plus élémentaire, on devine qu’il ne traînera pas plus que nécessaire à Wallis.

Nous sommes en Mélanésie et comme en Polynésie, les wallisiens ne sont ni stressés, ni pressés. L’influence française et la coutume semble faire bon ménage. D’un côté, un préfet, de l’autre, un roi, officiellement reconnu comme le garant de la coutume, entretenu par une ligne dans le budget de l’état. Depuis un schisme récent, un deuxième roi, non reconnu, divise le Sud et le Nord de l’île d’Uvea. Comme les habitants de l’île ne forment qu’une même et grande famille, cette situation génère des tensions dans les fratries suivant que tel ou tel individu habite au Sud ou au Nord.

Chaque village célèbre son saint patron lors de fêtes religieuses. Chaque famille composant le village tue, dépèce et met en forme le cochon pour l’offrir à la chefferie, une facette de la coutume est ainsi perpétuée.

Coutume en l’honneur du saint patron

Coutume en l’honneur du saint patron

Des papalagis ont acheté un voilier, pour être acceptés dans la baie de Gahi et pouvoir couler un corps mort, ils ont fait la coutume : alcool et cuisses de poulet surgelées ont été offerts au chef du village !

Les postes administratifs, médicaux et d’éducation sont tenus par des expatriés pour un temps limité. L’hôpital dispose ainsi de compétences métropolitaines. Tout est gratuit, consultations et médicaments : tendez votre ordonnance à la pharmacie centrale et obtenez de retour votre prescription sans rien débourser ! Nous profitons de cette aubaine pour renouveler notre vaccin DT polio, traiter quelques verrues, faire une visite de contrôle chez le dentiste, compléter la pharmacie du bord.

La bibliothèque de l’Université de Nouvelle Calédonie dispense un internet gratuit, trois postes avec écrans larges dernier cri et une imprimante couleur sont à disposition. Nous profitons de ces largesses pour imprimer, remplir, prendre en photos et envoyer à l’administration fidjienne les huit pages du formulaire C2-C « Advance notification », écrire et publier trois articles et une « letter in a bottle » sur notre site internet, de la créativité ludique bienvenue dans cet âpre et accaparant monde marin.

Avitaillement

Avitaillement

Par contre, la nourriture qui était déjà hors de prix en Polynésie française, atteint ici des sommets. Nous choisissons avec attention le contenu de notre panier repas, le fromage par exemple est trop cher, sans parler des légumes, mais la boîte de pâté en verre est curieusement bon marché. Heureusement, il nous reste une bonne part de notre avitaillement des Samoa.

Le temps passe avec l’entretien du bateau, le « tourisme » d’exploration, la préparation de la prochaine escale aux Fidji, la mise à jour du site internet. Nous avons un mouillage si excellent et un accès à internet si commode que nous nous attardons plus que nous devrions. La saison cyclonique se rapproche à grands pas, elle commence dans un mois, début novembre. Or, il nous faut encore traverser les complexes Fidji, refaire l’antifouling du bateau, renouveler l’unique batterie pour un duo, décider qui, de la Nouvelle-Calédonie ou de la Nouvelle-Zélande, nous accueillera pour la saison critique et enfin penser à changer génois et GV qui se délaminent.

Pour une fois le grattage de la coque – de rigueur toutes les deux à trois semaines – ne se fera pas en apnée. Les petites marées et le banc de sable à proximité permettent un échouage partiel. C’est parti pour quatre heures de travail, on insiste sur la flottaison, le primaire bleu apparaît de toute part mais quelques patchs d’antifouling rouge résistent encore !

Echouage partiel

Après 28 jours d’escale à Wallis, départ le 1er octobre 2017 pour Savusavu dans les îles Fidji, 370 Mn au SW, neuvième étape de la transpacifique. Nous abandonnons l’idée de faire escale à Futuna – île montagneuse et sauvage qui avait de quoi nous séduire – car les conditions pour y mouiller sereinement sont contradictoires avec celles dont nous avons besoin pour continuer sur les Fidji et puis la saison cyclonique nous commande de presser le pas.

Entre coutume d’un autre temps et vie à l’occidentale, Wallis a un côté surréaliste unique. Durant notre court séjour, nous ne nous sommes jamais sentis comme des touristes à pressurer mais comme les nomades-voyageurs que nous sommes (peut être aussi parce que Wallis et Futuna est un des territoires d’outre-mer les moins visités !). Merci Wallis, vive la République et longue vie aux Rois !

Les mouillages de L’Envol à Wallis :

- Baie de Mata Utu, île de Uvea GPS 13 17.28 S 176 10.16 W
- Baie de Gahi, île de Uvea GPS 13 20.25 S 176 11.16 W

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La trace GPS du bateau, nos traces GPS à terre (en trek, en stop…) et nos waypoints d’escales dans les îles Wallis sont visibles et téléchargeables gratuitement à partir de cette carte du voyage interactive. Sur un fond d’images satellites, vous pouvez zoomer, vous déplacer et cliquer sur les traces et les escales de L’Envol pour obtenir plus d’information.

Publié le 13/12/2017 de la bibliothèque de Kerikeri, Bay of Islands, île du Nord, Nouvelle-Zélande, GPS 35 13.67 S 173 57.07 E

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