Nomades de Patagonie





# Navigation dans les canaux de Patagonie, suite # Après 2 jours passés à la caleta Teokita, nous reprenons le chemin du voyage. Petit à petit, nous devenons des nomades de Patagonie, naviguant de conserve avec la météo. Nous nous sentons à notre place ici, bien que pour ma part, perpétuellement sur le qui vive. Avant de rejoindre le canal Smyth, nous visitons Puerto Profundo et les caletas de la baie attenante. Une fois fait, plutôt que de revenir sur nos pas, suivant notre intuition, nous tentons le passage effilé entre la gigantesque isla Manuel Rodriguez qui borde Smyth et un îlet allongé, sans nom, jouxtant sur son flanc NO la petite île Carreta qui ferme la baie. Les bords enrochés sont à un mètre de part et d’autre du bateau, le fond à moins, nous sommes à marée basse, sans courant ni vent, évoluant en marche arrière afin d’optimiser la visibilité et la manoeuvrabilité. Dans le passage clé, le kelp nous retient un moment, s’agrippant aux appendices immergés, mais nous passons grâce à la taille menue du bateau. Ce raccourci nous amène dans le canal Smyth. Plus loin, le paso Shoal, encombré d’une imposante épave de navire (cf photo), nous rappelle comme un avertissement qu’il faut rester concentré car tout peut basculer très vite. Comme ce 31 mai à 11h00 locale, où le bulbe de quille bâbord heurte une roche submergée (GPS 54 0.79 S 72 19.1 W), L’Envol pique du nez dans un mouvement de décélération qui déplace toutes les affaires des équipets de dix centimètres vers l’ avant, le moteur HB bâbord en sort de sa position relevée. Nous étions sur le chemin du paso Shag, au Sud d’Angostura Sur, à optimiser les détours du canal Barbara, au plus près du caillou, avec des trajectoires toujours plus tendues entre les points de contournement et finalement une fois trop près ! Point de kelp sur cette roche, mais l’image satellite, la seule correctement positionnée, révélait dans la transparence des fonds la zone perfide. Rapidement, s’en extraire pour vérifier que nous ne sommes pas échoués, vider et inspecter le coffre bâbord à la recherche d’une entrée d’eau. Les varangues n’ont pas bougées, mais un des écrous qui maintient la quille dans son logement, celui le plus en avant, s’est déplacé de 2mm vers le bas, écrasant les tissus de strat d’où perle un peu d’eau salée. Nous épongeons 300ml la première heure, 200 la 2ième, 190 la 3ième puis l’entrée d’eau semble vouloir se stabiliser à 100ml/h, une quantité qui permet de dormir la nuit ! Le soir, à la caleta Gallant, se sera travaux pratiques de ponçage et d’application de mastic époxy bi-composants, 3 heures de boulot qui colmateront totalement la voie d’eau. Bref, on n’est jamais trahi que par soi-même car si mon sens de l’organisation, de la stratégie, de la minimisation des risques et mon côté perfectionniste sont des avantages certains en bateau, par contre, mon désir d’apprendre et une curiosité insatiable, liés à un goût pour l’optimisation et le dépassement des limites sont des motivations à double tranchant. Cette fois comme déjà d’autres fois précédemment, la fin du voyage n’est pas passée loin… Pensant aux jours perturbés à venir, je découvre avec une certaine anxiété la caleta Dardé et son potentiel de protection. Dans un rayon de 5 milles, 3 abris sont répertoriés, Dardé, la caleta Colworth et la caleta Tandy. Comment être sûr de faire le bon choix alors que l’enjeu est, sinon la survie du bateau, la notre ? Colworth permet un amarrage à 4 cordes mais se situe, d’après la carte, au bord d’un canal étroit, ouvert au SO, et surement sujet à venturi dans le style du fjord Pasqui. Tandy semble pouvoir proposer un amarrage à 4 cordes mais sans certitude et la protection au SO semble défaillante, offrant la possibilité au vent de prendre le bateau par le travers, angle où le fardage est maximum, engendrant une situation très inconfortable et sollicitant beaucoup le matériel, comme je l’ai déjà expérimenté à punta Quilla (puerto Santa Cruz) ou à la caleta Ferrari. Dardé se situe dans une baie carrée de 400m de coté, la caleta est une échancrure du côté Ouest offrant une bonne protection des vents dominants du NO au SO. Elle est entourée d’arbres bien droits qui culminent entre 8 et 15m, signe de l’existence d’une poche de protection. Le côté Est de la baie est bas sur l’eau permettant au vent de s’évacuer sans effet rebond et rafales à contre-sens poussant au rivage. Nous mouillons la Fortress et la Spade empennelées dans un fond de vase de très bonne tenue, dixit la « Bible Bleue ». Nous déroulons 67m de chaîne de 8mm, soit 97kg, puis nous tissons une toile de 5 amarres entre le bateau et le rivage tout proche. Il est clair que ce mouillage n’est pas tenable par vents fraîchissant de Nord ou Est, car dans ce cas de figure seul les ancres nous tiennent. En effet, les 2 amarres qui filent loin, de la proue à chaque extrémité de l’échancrure, sont chacune orientées à 90° de la chaîne d’ancre et de ce fait travaillent mal, de plus le fetch est important et des vagues ne manqueraient pas de se former. Le dernier bulletin météo majore le précédent. Il prévoit 7 Beaufort en provenance d’un large éventail, allant du NO au SO, avec des rafales culminant à 50 noeuds, le tout réparti sur 5 jours ! L’épisode de vent débute dans 3 jours, nous avons donc le temps de comprendre comment l’endroit fonctionne et de nous organiser en conséquence… # Légendes img1 : caleta Teokita sur fond de canal Smyth, img2 : matin glacial, 0°C dans le bateau, la caleta Teokita est prise dans la glace, img3 : canal Smyth, le paso Shoal et son épave, img4 : caleta Dardé # Merci Mam’ pour tes calissons qui ont été dévorés dans l’heure ! Merci à tous pour vos SMS Iridium, on vous embrasse # Vous pouvez nous envoyer un SMS gratuit sur le téléphone satellite du bord (881631639125) à http://messaging.iridium.com

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La trace GPS du bateau et nos waypoints d’escales en Patagonie sont visibles et téléchargeables gratuitement à partir de cette carte du voyage interactive. Sur un fond d’images satellites, vous pouvez zoomer, vous déplacer et cliquer sur les traces et les escales de L’Envol pour obtenir plus d’information.

Envoyé le 14/06/2015 par téléphone satellite de la caleta Dardé, GPS 52 28.65 S 73 35.51 W

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