Tour de Tasmanie VI

4 juin 2020, 11:20 AM

Mesdames et messieurs, chers lecteurs,

Bienvenue à bord de L’Envol,

Nous espérons que vous avez apprécié le passage du canal Denison, un ouvrage d’art unique en Australie qui nous a permis d’accéder rapidement au giron des péninsules Forestier et Tasman où se love la Norfolk Bay. Après une courte navigation de plaisance, nous voilà déjà dans le King George Sound, une entaille sur la côte Ouest de la péninsule Forestier qui abrite le village de Murdunna. Ce sera notre première escale dans la Norfolk Bay à la recherche d’un coin accueillant et protégé pour passer l’hiver.

Nous vous souhaitons une bonne exploration !

 

Première impression

Tim et Carol sur « Razza »

Tim et Carol sur « Razza »

Dans le King George Sound nous croisons un voilier étrange et futuriste inspiré d’une pirogue polynésienne (un proa) et dans le dernier coude avant le mouillage, nous doublons un couple sur un voilier qui nous indique une bouée disponible. Une entrée en matière fort sympathique ! Nous prenons la bouée sous voiles comme à l’accoutumée. Peu après, ils passent nous voir en ramant un magnifique dinghy en bois fraichement rénové. Ils se prénomment Tim et Carol, leur bateau, Rassamond, a bien 40 ans d’âge mais c’est une création du chantier suédois Hallberg-Rassy, une construction en résine monolithique épaisse faite pour affronter les mers difficiles d’Europe du Nord. Ils nous invitent chez eux pour le lendemain matin afin de déguster un petit déjeuner à la française, le moral est au beau fixe !

King George Sound, la baie de Murdunna

King George Sound, la baie de Murdunna

Nous apprenons que cette baie confidentielle a souvent accueilli de grands voyageurs et que justement en ce moment un voilier français, Alado, y fait une escale prolongée. Le monde est petit, Carina connaît bien la femme du capitaine, Marion, rencontrée durant leur passage à Puerto Williams dans le grand Sud chilien ! Mais ils ne sont pas là, le couple a choisi de rentrer en France durant le Covid et comme l’épidémie s’éternise nous ne nous croiserons pas, c’est bien dommage. Leur bateau Alado est entre de bonnes mains, leurs amis Chris et Margie s’occupent de l’aérer régulièrement et gardent sur lui un œil bienveillant. Ces derniers, après une longue errance de 15 ans sur l’Océan Pacifique avec leur bateau Storm Bay Of Hobart, ont choisi Murdunna comme terre de prédilection. Incroyable, ils étaient en même temps que nous à Puerto Williams en 2015 mais étonnamment nos routes ne se sont pas croisées à ce moment. Par la bouche d’un habitant de l’île Navarino, ils savaient néanmoins qu’un français de passage avait chapardé leur meilleur résident, Carina !

 

Côte Sud-Est de Tasmanie

Péninsules Forestier et Tasman, Norfolk Bay

Norfolk Bay - cliquer sur l’image pour ouvrir la Google Maps

Norfolk Bay – cliquer sur l’image pour ouvrir la Google Maps

Légende de la carte : en rouge, la trace du bateau sur l’eau, nos mouillages sont symbolisés par les ronds (rouges) ; en jaune, nos traces à terre, en stop, à pied, parfois en annexe…

En exploration

8-10 juin – Dans la Norfolk Bay, en route vers Taranna (Tasman Peninsula)

Qui accompagne qui ?

Un jour de grand calme dans la Norfolk Bay, nous sommes escortés par un petit phoque qui nage en tournant sur lui-même. Ses circonvolutions fascinantes et les reflets surréalistes qu’il engendre sur le miroir de l’eau nous appellent à la méditation comme un mantra hypnotique.

 

L’Envol à Plunkett Point dans la Norfolk Bay (Tasman Peninsula)

L’Envol à Plunkett Point dans la Norfolk Bay (Tasman Peninsula)

A Plunkett Point, dans la partie Nord-Ouest du croissant que fait la péninsule Tasman autour de la Norfolk Bay, nous visitons le site historique de Saltwater River. Il met en scène les ruines d’une ancienne mine de Charbon (1833-1870) où les plus récalcitrants des prisonniers du pénitencier de Port Arthur étaient envoyés. Ils résidaient dans de minuscules geôles souterraines, chaque nuit après un dur labeur, les ténèbres, le froid et l’humidité les reprenaient.

Tout à G, le Mt Forestier (319m), au centre le Macgregor Peak (590m)

Tout à G, le Mt Forestier (319m), au centre le Macgregor Peak (590m)

Photo précédente : la Norfolk Bay sur le chemin de Lime Bay, non loin de Whitehouse Point. La photo est prise au NW de la péninsule Tasman en regardant la péninsule Forestier à l’Est. A gauche sur le cadre, le Mt Forestier (319m), puis Smooth Island (les deux alpages en beige reliés par un bout de forêt) avec à sa droite la menue King George Island (un mince trait foncé sur l’eau) qui masque l’entrée de Murdunna.

Eaglehawk Neck, le lien entre les péninsules Forestier et Tasman

Eaglehawk Neck, le lien entre les péninsules Forestier et Tasman

Au centre de la photo, le Macgregor Peak (590m) avec à son aplomb Chronicle Point (le sombre cap arboré) qui marque le début du King George Sound, décalée sur sa droite Conical Hill (116m).

A droite, au-dessus des arbres, on peut imaginer entre deux crêtes montagneuses l’enfilade de mer qui mène à Eaglehawk Neck, un étranglement de terre qui connecte les péninsules siamoises. La crête sur l’horizon à droite de la photo fait déjà partie de la péninsule Tasman qui commence alors vers l’Ouest son croissant autour de la Norfolk Bay.

Lecture du paysage autour de l’extrémité NW de la péninsule Tasman

Image 1 : accessible en annexe, la grotte immergée de Plunkett Point. Au NE, de l’autre côté de la Norfolk Bay, la péninsule Forestier avec au premier plan le South Peak (43m) de Smooth Island parfaitement aligné avec le Mt Forestier (319m) en arrière-plan.

Image 2 : en regardant vers l’Ouest depuis Lagoon Beach, la Frederick Henry Bay prend le relais de la Norfolk Bay. Green Head qui matérialise l’extrémité NW de la péninsule Tasman les départage géographiquement. Au milieu de la photo, Sloping Island avec sur sa droite à 36 kilomètres à vol d’oiseaux, le Mt Wellington qui surplombe la ville d’Hobart du haut de ses 1270 mètres d’altitude.

Image 3 : l’extrémité NW de la péninsule Tasman, un coin sauvage où le vent mélange intimement les sédiments de Lagoon Beach et Sloping Lagoon.

Ironstone Bay, coucher de soleil sur la péninsule Tasman

Ironstone Bay, coucher de soleil sur la péninsule Tasman

L’Envol à Taranna dans la Little Norfolk Bay (Tasman Peninsula)

L’Envol à Taranna dans la Little Norfolk Bay (Tasman Peninsula)

 

Du 10 juin au 15 juillet – Depuis Taranna, exploration de la péninsule Tasman

Shipstern Bluff derrière la branche, sur l’horizon Bruny Island

Shipstern Bluff derrière la branche, sur l’horizon Bruny Island

Contrastes

Un bateau du Yacht Club de Taranna en fâcheuse posture

Un bateau du Yacht Club de Taranna en fâcheuse posture

Le King George Sound (Murdunna) et la Little Norfolk Bay (Taranna) sont les seuls spots de la Norfolk Bay à proposer un mouillage suffisamment protégé pour ne pas avoir à trop s’inquiéter du temps qu’il fait. Ces plans d’eaux sont quand même ouverts aux vents de WNW à Nord, ce ne sont pas les vents les plus forts et ils ne durent en principe pas mais par précaution nous devrons maintenir une vigilance météo et être prêts à bouger si nécessaire.

Au demeurant, quand nous arrivons à Taranna, la météo n’est pas notre souci principal mais plutôt le renouvellement de nos visas de tourisme car il ne nous reste que quelques jours avant leurs expirations. Pour rappel, en préliminaire à notre départ de Nouvelle-Calédonie, nous avions obtenu un visa d’une année pour l’Australie suite au remplissage de 19 pages de formulaires en ligne, l’adjonction de nombreux documents et le paiement de 90 € par personne. Pour ce second renouvellement, le tarif passe déjà à 230 € par personne mais pour le troisième ce sera 650 € par personne qu’il faudrait débourser ! Compte tenu du coût et de l’état critique de nos finances, nous espérons pouvoir obtenir la durée maximale, soit 12 mois supplémentaires. Dommage, ce type de visa ne nous autorise pas à travailler en Australie.

Nous débarquons à Taranna avec la mission de trouver un wifi gratuit et entamer le fastidieux processus en ligne. Heureusement, Carina maîtrise l’anglais et le travail administratif l’amuse, comme elle dit : « C’est comme passer un examen dont on connaît les réponses ! ».

Août 2014 – Bienvenue au Brésil !

Août 2014 – Bienvenue au Brésil !

L’approche administrative entre l’Est et l’Ouest du Pacifique Sud est très différente. En Amérique du Sud, on a affaire à des êtres humains et en corollaire on bénéficie parfois d’un certain laxisme, comme une bouffée d’oxygène, une façon de s’excuser, de nous dire que bien sûr tout ce fatras administratif n’est pas l’essentiel. Les officiels ne se prennent pas au sérieux, à São Francisco do Sul, j’ai partagé le maté avec un agent de l’immigration brésilienne ! Dans l’Ouest du Pacifique, en Nouvelle-Zélande et en Australie, la procédure est entièrement dématérialisée et notre avenir se joue dans un bureau à Shanghai ! La machine a pris l’ascendant sur l’homme et cette triste réalité m’afflige et me consterne profondément.

A Taranna, il n’y a pas de centre, pas de magasins, juste une route bordée de quelques habitations éparses. Avec nos sacs à dos nous déroulons le macadam jusqu’à la maison la plus proche, ça tombe bien, il y a une femme à l’extérieur. Respectant les règles de distanciation sociale, nous expliquons notre situation vis-à-vis de nos visas et lui demandons si nous pouvons utiliser son wifi. Elle nous demande de patienter, le temps d’informer son mari. Un long moment s’écoule sur le bas-côté, suffisamment pour penser que l’on a été oublié, nous nous apprêtons à poursuivre nos recherches quand un homme vient à notre rencontre. Nous comprenons effarés qu’il a contacté les autorités car pour lui nous venons du large et nous représentons un risque sanitaire pour la Tasmanie ! Cela fait déjà 5 mois que nous sommes sur l’île et c’est la première fois que nous sommes confrontés à la paranoïa du Covid ! On prend congé et nous rentrons dépités au bateau. Ce premier contact avec Taranna n’est pas engageant et il nous restera sur le cœur.

Debbie et Nelson

Debbie et Nelson

Sur le ponton en bois où l’annexe nous attend, une femme promène son chien, nous la saluons mollement mais elle s’intéresse à nous et nous lui racontons nos petits malheurs. Elle est dans sa soixantaine, elle s’appelle Debbie et spontanément nous invite chez elle ! Nous sommes stupéfaits par ce revirement de situation et nous lui emboitons le pas pleins de gratitude. Debbie est d’origine australienne, quelques années en arrière elle a perdu un fils dans un accident de voiture, il avait 18 ans. En deuil, elle avait pris l’habitude de nager dans la baie en plein hiver, la chape anesthésiante de l’eau glacée transcendait sa douleur.

Sa maison est à température ambiante, comme sur L’Envol, à l’exception d’une pièce agréablement réchauffée par un poêle au bois. Nous faisons la connaissance de son mari, Nelson, 25 ans plus âgé, d’origine allemande et canadienne. Appuyés d’un thé et d’une collation, nous expédions les formalités administratives qui n’auront présenté d’autre intérêt que cette rencontre providentielle, merci Debbie et Nelson !

Par courrier électronique, nous recevons en retour un visa temporaire (Bridging Visa) et croisons les doigts pour avoir des nouvelles de l’immigration australienne le plus tard possible.

Aux confins SW de la péninsule Tasman

Le cap Raoul dans l’enfilade des falaises de dolérite

Le cap Raoul dans l’enfilade des falaises de dolérite

18 juin – Après leur voyage dans l’Océan Pacifique, Chris et Margie ont légué leur recueil de cartes du Japon à leurs amis Norbert et Trudi du voilier C’est Si Bon. A l’initiative de ces derniers, une clé USB contenant les photos de ces ouvrages est arrivée à Murdunna. Nous venons la chercher en stop depuis Taranna. Merci les amis ! Nous espérons pouvoir poursuivre un jour sur vos traces.

Camp de base pour l’hiver

Pizza Night chez Tim et Carol

Pizza Night chez Tim et Carol

Sur le chemin de retour au carrefour de la route principale, un bon emplacement de stop, nous longeons la Sommers Bay Road par un agréable sentier construit autour de la baie par des volontaires de la communauté de Murdunna. En passant devant le patio de Tim et Carol, nous décidons de leur faire un petit coucou. Nous sommes curieux car Chris et Margie nous ont révélé que notre rencontre les a décidés à préparer Razza pour un tour d’Australie, c’est une sensation merveilleuse d’être l’inspiration de quelqu’un et nous voulons en savoir plus.

Bien nous en prend, ils nous proposent de rester manger et de nous ramener ensuite à Taranna ! Savourant de délicieuses pizzas faites maison, nous découvrons que ce couple de retraités dégage un enthousiasme et une ardeur extraordinaires.

Le studio de Carol

Le studio de Carol

Carol est une artiste peintre de talent, son studio déborde de tubes de peinture et de pinceaux en tout genre, Tim est un bricoleur touche-à-tout de génie, le hangar qui abrite son atelier semble plus vaste que leur maison ! Ils nous proposent de mettre à notre disposition leurs outils pour confectionner de nouvelles housses pour nos selleries du carré et du lit breton !

Après presque quatre ans sous les tropiques le vinyle qui les couvre est HS, il retient la transpiration, perd sa souplesse et finit par craqueler. Cette matière n’est pas compatible avec un usage quotidien du bateau. On voudrait faire des housses en textile lavable, amovibles, non plus agrafées aux contre-plaqués qui ferment les coffres, une idée saugrenue, et en profiter pour changer les mousses.

La proposition de Tim et Carol tombe à point, le devis à Hobart chiffrait le tout à plus de 1’500 € pièces et main-d’œuvre, un trimestre de notre budget ! Cerise sur le gâteau, Chris et Margie nous prêtent leur puissante machine à coudre électrique. Du coup, Murdunna semble être notre futur camp de base pour passer l’hiver : un mouillage protégé, un (petit) supermarché, des locaux sympas et pleins de ressources, internet et l’assurance d’une douche chaude de temps en temps.

Mais dans l’immédiat, avant de faire un aller-retour à Hobart en bateau pour acheter la fourniture de mousse et le textile adéquat, nous allons compléter notre exploration de la péninsule Tasman, suite à quoi – c’est décidé – nous prendrons nos quartiers dans le havre bienveillant de Murdunna.

A très bientôt les amis !

Retour à Port Arthur par voie terrestre

Vue de Safety Cove, les contreforts du cap Pillar et la Tasman Island

Vue de Safety Cove, les contreforts du cap Pillar et la Tasman Island

Mt Brown (West Arthur Head), cap Pillar et Tasman Island

Mt Brown (West Arthur Head), cap Pillar et Tasman Island

Photo précédente : au centre de l’image, vue des hauteurs de Maingon Bay, le Mt Brown (173m) avec à sa droite la West Arthur Head qui marque l’entrée dans les eaux de Port Arthur. Derrière le Mt Brown on distingue le Gap, un spectaculaire passage entre le cap Pillar et la Tasman Island. Large de 300 mètres mais peu profond (7m), il est navigable selon les conditions de houle.

Jonction à pied Port Arthur – Fortescue Bay (Three Capes Track)

L’os de baleine de Simmonds Creek (Port Arthur)

L’os de baleine de Simmonds Creek (Port Arthur)

A ma gauche, le Blade et derrière Carina, le phare de Tasman Island

A ma gauche, le Blade et derrière Carina, le phare de Tasman Island

« La muraille de Tasmanie »

« La muraille de Tasmanie »

Un sentier trop aménagé à notre goût…

Un sentier trop aménagé à notre goût…

… avec des escaliers casse-pattes

… avec des escaliers casse-pattes

Non loin de la Fortescue Bay, l’ancienne signalétique abandonnée

Non loin de la Fortescue Bay, l’ancienne signalétique abandonnée

 

15 juillet – Nous quittons Taranna à destination d’Hobart afin de trouver la matière première nécessaire à la confection de nos nouvelles selleries. Un sujet dont nous reparlerons dans les prochains épisodes…

26 juillet – Retour dans la Norfolk Bay. Arrivés à Murdunna, on reprend la bouée des amis de Tim et Carol qui sont actuellement dans le Western Australia, merci Shane et Suzanne !

 

Du 26 juillet au 18 octobre – Depuis Murdunna, exploration des péninsules Forestier et Tasman

Sans queue ni tête !

Sans queue ni tête !

Photo précédente : quelque part entre le Macgregor Peak et le cap Surville (Forestier Peninsula)

La mer de Tasman non loin de Pirates Bay (Tasman Peninsula)

La mer de Tasman non loin de Pirates Bay (Tasman Peninsula)

Mesdames et messieurs, chers lecteurs,

Dans le prochain épisode nous découvrirons en votre compagnie le sens de la bienvenue et de l’hospitalité tasmanienne, nous rendrons hommage aux amis, personnalités atypiques et artistes qui ont égayé notre hiver dans la Norfolk Bay.

A bientôt !








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La trace GPS du bateau, nos traces GPS à terre (en trek, en stop…) et nos waypoints d’escales en Tasmanie sont visibles et téléchargeables gratuitement à partir de cette carte du voyage interactive. Sur un fond d’images satellites, vous pouvez zoomer, vous déplacer et cliquer sur les traces et les escales de L’Envol pour obtenir plus d’information.

Publié le 10/05/2021 depuis la bibliothèque, village de Beaconsfield, Tamar Valley, île de Tasmanie, Tasmania, Australie, GPS 41 12.1 S 146 49.26 E

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