Envoutante Makatea

Ile de Makatea

Ile de Makatea, îles Palliser, îles Tuamotu, Polynésie française
Un atoll surélevé (110 m) de 24 km2, 130 Mn au NE de Tahiti

du 7 au 13/12/2016, 6 jours d’escale

3 bouées fiables (installées par des professionnels pendant notre escale) sont disponibles sur la côte NW, au Sud du port désaffecté de Temao. Débarquement en annexe dans la darse du port.

- La bouée la plus Sud (20) GPS 15 49.72 S 148 16.77 W
- La darse pour débarquer GPS 15 49.46 S 148 16.67 W

Nous terminons notre tour des atolls des Tuamotu par une île : Makatea. Après les opulentes Marquises, cela fait déjà deux mois que nous survivons au pays du manque et de la rareté : en eau douce, en fruits et légumes, en arbres, terre, chemins, relief et altitude. Les atolls des Tuamotu c’est du corail et des cocotiers à fleur d’Océan sous un soleil implacable ! A moins d’être un adepte de la plongée ou d’y être née, il nous est difficile de comprendre que l’on puisse s’y installer.

Envoutante Makatea

La première fois que l’on nous a parlé de Makatea c’était à Nuku Hiva aux Marquises, le couple avait visité les vestiges de la friche industrielle de ces anciennes mines de phosphate. La seconde fois, c’était à Apataki, Gérard nous a raconté la lutte de Sylvanna Tupuhina et de son association contre le projet australien d’exploitation du phosphate restant.

L’histoire qui veut se répéter… Cette fois avec une entreprise australienne !

Nous sommes impatients d’aborder Makatea, avec ses falaises, sa végétation luxuriante, ses chemins, nous allons retrouver tout ce que nous aimons et ce qui nous a manqué.

Carte d'exploitation du phosphate

Carte d’exploitation du phosphate

Dès nos premiers pas exploratoires, la fulgurance expérimentée à l’île de Pâques et à Pitcairn se reproduit. Nous sommes saisis du passé extraordinaire de l’île, comme si les affects des hommes qui ont extraits le phosphate du sol s’étaient inscrits dans l’air dans une empreinte indélébile. Cinquante ans après les faits, nous avons le sentiment d’être des témoins privilégiés de l’histoire de Makatea. C’est la démarche euphorique, remplis de curiosité, que nous pénétrons dans l’île par la piste empruntant le trajet de l’ancienne voie ferrée…

Louéla, Elie, sont des anciens qui ont connus le Makatea du temps du phosphate, qui sont partis chercher du travail ailleurs quand il s’est terminé et qui sont retournés à leurs racines le temps venu de leurs retraites. Mémoires vivantes, ils nous raconteront les anecdotes de cette incroyable épopée qui débute en 1908 et s’achève en 1966. Plus d’un demi-siècle d’exploitation du minerai de phosphate par la Compagnie Française des Phosphates de l’Océanie (CFPO). C’était la première grande aventure industrielle qu’ait connu la Polynésie. 700 travailleurs et leurs familles (environ 3’000 personnes), étrangers ou originaires du reste de la Polynésie, s’installent alors à Makatea.

Train de minerai dans son paysage de désolation

Train de minerai dans son paysage de désolation

Armés de pelles, pioches et brouettes, épaulés par des locomotives à vapeur et des kilomètres de tapis roulants, ils arracheront à l’île 11,2 millions de tonnes de phosphate en 50 ans.

Makatea prend l’allure d’une cité industrielle avant-gardiste : atelier de mécanique, menuiserie, forge, fonderie, centrale 110-220 Volts. Ainsi, Makatea découvrait l’électricité bien avant Tahiti ! La cité, composée d’une centaine de maisons, a son central téléphonique, l’eau courante, bibliothèque, cinéma et hôpital, des magasins d’alimentation, boucherie, blanchisserie, des terrains de tennis, foot et basket…

Octobre 1966, l’aventure s’arrête brutalement, le matériel est abandonné sur place, les hommes repartent perpétrer le mirage industriel dans d’autres contrées. Reste quelques familles attachées à leurs terres dévastées et rendues à l’oubli. Reste un sol jonché de milliers de trous, impraticable à pied, stérilisé. Reste Makatea, le « rocher blanc », une île blessée dans l’Océan Pacifique.

Makatea vidée de sa substance, un paysage lunaire

Cinquante ans plus tard, la nature a remis un peu de vert dans l’île, surtout des pandanus qui investissent les cavités et jaillissent à la surface comme des polichinelles. Les vestiges industriels et les bâtiments de l’époque disparaissent peu à peu, colonisés par le vivant, digérés par la rouille et le temps.

Vestiges industriels mangés par le temps

Aujourd’hui, une soixantaine d’irréductibles polynésiens peuplent l’île. Contrairement à Papeete où il n’est pas possible de vivre sans argent, à Makatea, la vie est distillée par l’île, son ciel fournit l’eau de pluie captée par les toitures, sa terre donne fruits et légumes, sa mer pourvoit en poissons et son soleil distribue l’énergie grâce à une centrale mixte solaire/diesel. Pour les quelques indispensables produits finis, une épicerie avitaillée une fois par mois par la goélette permet de faire ses courses. Un petit revenu est disponible à travers la culture du copra ou le commerce des délicieux crabes de cocotier (kaveu). Une mairie, une poste, une école au maintien précaire (une dizaine d’élèves sur plusieurs niveaux) complètent le petit village de Vaitepaua, peau de chagrin de l’ancienne cité industrielle.

Un peu boulimiques, nous arpentons Makatea en tout sens : découverte de l’imprenable vue sur Moumu depuis la falaise du belvédère, visite du principal site d’extraction du phosphate au cœur de l’île, crapahutage aérien au marae (lieu sacré) du plateau de la côte SE, exploration des grottes et du chemin en balcon serpentant entre les colonnettes de calcaire sur la côte NW, et comme un refrain, les nombreuses baignades dans le lac souterrain, une fenêtre sur la gigantesque nappe phréatique de l’île, unique dans les Tuamotu.

Les projets pour renouer avec la « gloire » d’antan ne manquent pas. Aidée par ses côtes difficiles d’accès en bateau et son absence d’aérodrome, Makatea résiste au progrès, ce destructeur envahisseur. Avec le temps, peut être parviendra-t-elle à faire accepter l’idée, que ce qu’elle a de mieux à offrir est déjà là, une vie simple en harmonie avec la nature, loin du stress et des besoins inutiles du monde moderne.

Tchao Makatea, longue vie à toi !

Tchao Makatea, longue vie à toi !

L’atoll de Mataiva (16 km2), à l’extrémité NW des Tuamotu, renferme lui aussi du phosphate dans son sol, et pourtant la majorité des habitants de l’île s’oppose à toute idée d’exploitation.

Nauru (21 km2), atoll surélevé de Micronésie, n’a pas eu de deuxième chance, exploité de fond en comble, ses habitants sont maintenant cantonnés à vivre sur l’étroite bande côtière de l’île, car son centre vidé de son phosphate n’est plus que creux et bosses. La petite île de Banaba (6,5 km2), 140 Mn à l’Est de Nauru, a subi le même destin.

Nous quittons à regret Makatea, anticipant une période de pétole puis un coup de NW qui n’aurait pas manqué d’agiter le mouillage, destination Papeete à Tahiti où nous passerons la saison cyclonique.

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La trace GPS du bateau et nos waypoints d’escales dans les îles Tuamotu sont visibles et téléchargeables gratuitement à partir de cette carte du voyage interactive. Sur un fond d’images satellites, vous pouvez zoomer, vous déplacer et cliquer sur les traces et les escales de L’Envol pour obtenir plus d’information.

Publié le 4/04/2017 de la baie de Vaitupa, motu Ovini, commune de Faa’a, proche ville de Papeete, île de Tahiti, îles de la Société, îles du Vent, Polynésie française, GPS 17 34.06 S 149 37.1 W

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