De La Rochelle à Vannes

Un super texte de Rod, notre poète à bord :

Port des Minimes, La Rochelle, lundi 30 septembre 2013, 15h.

Ma covoitureuse me laisse au vieux port et s’en va vers d’autres horizons. Chouette rencontre.
Avec mon sac à dos et mon caddie à roulettes de grand mère trimbalant les trois bonbonnes de gaz destinées au bateau, je gagne, à l’aide d’un bus, le Port des Minimes au Sud de La Rochelle. Le temps est pluvieux. Un passant me donne un billet d’entrée pour le Salon Nautique du Grand Pavois où Christophe m’attend. Je réfléchis à notre dernière rencontre, je pense sans certitude à 2003 ou 2004, au décollage de Saint Hil. Notre dernière rencontre a été aussi le jour de mon dernier vol de parapente.

Et le voilà qui arrive…rien a changé, juste de l’eau qui a coulé sous les ponts, mais cette eau est imperceptible, on s’est quitté hier en fait.
Le Django 7,70m nous attend impatient d’en découdre avec un nouveau mousse à bord. Mais avant de l’apercevoir, l’averse nous oblige à nous réfugier dans la première tente venue, et forcément c’est le stand de Rhum créole. Un Ti-punch et une averse plus tard ; on s’approche de « L’Envol ». Chris me demande de retenir les qualificatifs qui me viendront à l’esprit au moment de sa découverte. Pour moi, c’est « Petit » et « Racé ». Petit oui, il est bord à bord avec un 13m, alors de là à faire la comparaison il n’y a qu’un pas. Racé oui aussi, il a une ligne de bolide.
Je suis impatient de partir en mer à son bord. Mais avant de partir, place à la logistique, d’abord les courses sous la pluie, ce qui me permet d’étrenner mes nouvelles bottes marines et de ressortir mon caddie.

Mardi 1er octobre

L’heure est au rangement au grand Pavois, il y a les tentes à ranger, les zodiacs à mettre sur remorques, les barrières à démonter.. certains skippers partent naviguer avec les nouveaux prototypes 2013 pour une séance photo de Voile Magazine. On rate le coche de peu. Mais ça y est le moteur 2 temps nous emmène vers de nouveaux horizons, puis ce sera le moment de mettre les voiles.
Cette première journée est ensoleillée, sans vent et sans vague (on avance à 2 nœuds environ, des fois 3). Parfait pour s’amariner. Le Django se faufile sous les piles du pont de l’île de Ré et on met le cap sur les Sables d’Olonne. On en profite pour border le Gennaker, une magnifique voile rouge de 40m carré (sorte de spi) qui n’est encore jamais sorti du carton. Chris tentera plusieurs dispositions possibles tout au long du périple (vent de travers, vent arrière avec la bôme détachable (le tangon en fait !), superposition avec le foc (génois). On croise deux troncs d’arbres flottants comme quoi faut ouvrir l’œil.
Je vomis deux fois dans cette fin d’après-midi. Mon estomac ne supporte pas d’être à l’intérieur du cockpit, à l’air libre je n’ai pas de soucis.

Puis vient le tour des quarts. Il n’ y a plus de vent, le bateau est mis en panne, on se laisse dériver dans le noir de l’océan, avec les lumières des Sables pour se repérer. De 23h à 2h j’ai pour mission de surveiller nos alentours, de veiller à l’éperronage, la lutte contre le sommeil est difficile. Et justement peu après qu’un deux mâts nous dépasse par l’arrière, un bateau de pêche vient dans notre direction, je réveille Christophe car je n’arrive pas à démarrer le moteur qui pourtant part au quart de tour.

Mercredi 2 octobre

Après avoir dormi comme un loir, je reprends mon quart à 5h, le vent a forci, le bateau gite, j’appréhende dès que l’inclinaison devient trop forte..j’ai peur du dessalage. Après avoir fait les derniers réglages de voile et m’avoir donné mon cap Chris me laisse sur le pont dans le jour naissant.
On se retrouve en pleine mer, plus de terre à l’horizon par contre des grosses vagues rondes espacées de 50/100m défile sous la coque du Django. « Tiens bon la mer et tiens bon le vent », c’est ce qu’il fait notre bateau, il a l’air dans son élément. Petit à petit je commence à lui faire confiance. Mais tout de même je vomis deux fois dans cette journée. Décidément la nourriture ne passe pas ; uniquement le chocolat.
La journée est une succession de grosses vagues et vers 17h, Belle-île se dévoile, on la contourne par l’ouest pour profiter du vent et du couchant.

Dans la nuit vers une heure et demie alors que je dévie un peu le cap pour profiter du vent et faire une pointe à 7Nds, des torpilles nous accompagnent de part et d’autres du bateau : je mets quelques instants à comprendre : des dauphins !!! Je réveille Christophe et les éclaire à la faible lueur de ma frontale.
Arrivé au large de l’ile de Groix, je laisse la barre à Chris avec un vent qui forcit. A mon réveil à 5h, on est au Sud Ouest de Groix (il a contourné l’île par le nord). Nous distinguons clairement qu’un orage venant de l’Ouest pointe le bout de son nez.
On rebrousse chemin et on passe tout juste devant la point nord de l’île. On se retrouve coincé au nord et à l’est par le continent, au sud par Groix, et à l’ouest arrive l’orage au galop. Christophe a réduit la voilure (prendre des ris dans le jargon). Oui ça va être pour notre gueule… j’ai deux pantalons plus le pantalon ciré, les bottes, deux polaires, une gore tex, ma veste ciré, un bonnet et les deux cagoules des vestes. Et je suis juste bien. Le grain s’abat sur nous violemment. D’un coup des hectolitres nous tombent dessus. Heureusement ça arrive de travers, et l’intérieur du bateau n’est que partiellement mouillé, le principal c’est que l’ordi n’est rien. Il va falloir qu’on s’attelle à fabriquer une bâche devant l’ouverture de la porte un de ces quatre. Rajoutons aux arrosoirs qui nous tombent dessus les éclairs zébrant le ciel et le tonnerre assourdissant et on a le tableau qu’il nous faut pour comprendre que l’on n’en menait pas large. Seule consolation, protégé par l’île et le continent, la houle était faible.

Jeudi 3 octobre

A 8h tels des chiens mouillés on arrive au port. Le soleil se lève. Gros déjeuner puis sieste dans le bateau pour Chris (qui n’a pas dormi de 5h à 8h du coup) et au soleil sur le ponton pour moi.
48h de navigation non-stop !!! Première fois que je monte sur un voilier de plus de 4m20..quelle chance ce qu’on vient de vivre (mais ce n’est pas fini). Merci Chris.

Une fois à terre je me rends compte que les homards tanguent dans le vivier, et que d’ailleurs à bien y regarder le plafond aussi..alors c’est ça le mal de terre, ben au moins il m’empêchera pas de manger lui !!!
La journée se compose d’une baignade dans l’eau pas si froide que ça (entre 13° et 16° selon ma propre estimation), un tour à Intermarché pour se fournir en râpe à carottes et autres kouign-amann, d’un bon repas et d’un tour à la pompe à essence accompagné de notre fidèle destrier : j’ai nommé le fameux caddie à roulettes, très pratique pour trimbaler 20l d’essence.

Vendredi 4 octobre

Vers les 9h30, on quitte Port Tudy (ou port Loctudy au choix), ses automobilistes peu scrupuleux et son port à étage, en direction du Sud..On revient sur nos pas.
Direction l’île d’Houat. Après une toute petite ondée, la journée est magnifique et le vent est là (de 15 à 20 Nds). Alors Chris me compose une petite godille entre chaque tas de cailloux dans un périmètre de 10 miles au tour de l’île. Sur le logiciel de navigation, notre trace est un gribouillis d’enfant, mais pour moi c’est très formateur. Vers 7h on accoste à Port Tudol sur l’île de Hoedic.
On prend en vitesse un pique-nique et nos appareils photos et on part découvrir cette toute petite île (un footing d’une heure pour en faire le tour) : 150 maisons tassées au centre de l’île pour se protéger des tempêtes hivernales, 3 cafés, un resto, 80 habitants permanents, un tracteur, une doche, un bouc, deux chevaux, plein de faisans de lâchers, des lapins, une colonie de goélands, des pêcheurs, quelques plaisanciers, des dolmens, des menhirs, un fort Vauban dont il ne reste pas grand chose, un autre fort de 1850 bien mieux conservé, un blockhaus, des mûres mures (miam !), un mec qui fait du gonflage sur la plage et surtout des paysages magnifiques…(il y a peut être une boulangerie car j’ai vu quelqu’un avec un croissant).
Une petite ambiance de liberté traîne ses pattes par là.

Samedi 5 octobre

Réveil 6h30 : c’est dur…
On file prendre une douche et faire la vaisselle, puis c’est parti pour l’exploration de l’est de l’île (où il y a les forts). Retour au bateau et départ. Direction Golfe du Morbihan et ses courants. On s’entraîne au virement de bord car on va en avoir besoin. Puis Chris qui a besoin d’altitude décide de faire des allers retours entre le pont et le faîte du mât : au total 4 montées. On est peut être pas marin, mais la remontée sur corde ça tient quand même plus du domaine de l’alpinisme que de la voile.
On se pointe à l’entrée du Golfe à l’heure où les courants sont les plus forts : cela créé des tourbillons et le bateau peut faire un 180, du sur place ou de la marche arrière. On s’amusera bien…
On trouve un emplacement de mouillage, et un gros mulet (c’est un poisson) vient lécher la coque du bateau, il me nargue, il sait que je n’ai pas emmené mon fusil-harpon. Je propose à Christophe de fixer l’opinel rouillé sur la gaffe (je viens de lire le vieil homme et la mer)…
A la place on mangera des gésiers..

Dimanche 6 octobre

Pas de vent en perspective, alors ça sera bricolage : on fabrique une bâche sur mesure pour la porte du bateau. Ça nous prend environ 4h. Mais quelle précision, reste plus qu’à pleuvoir pour la tester.
Le soir on part sur Vannes. Le Morbihan, c’est un grand lac salé avec 43 îles sur lesquelles des grosses maisons bourgeoises aux façades blanches et aux toits d’ardoises sont posées. Il y a beaucoup de circulation navale dans ce coin là.
Et première fois pour moi que j’arrive dans le centre ville d’une grande cité telle que Vannes par voie maritime.

Il faut vite s’habituer au bonheur d’être en mer, car une fois revenu à terre la vie reprend son cours.

PS : le sort du caddie bleu pliable à roulettes s’est joué le dernier jour, il a gagné sa place sur le bateau en démontrant que même ses roues sont pliables. C’est maman qui va être contente..son chariot va faire le tour du monde.

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