Vers le pays d’Oz et météofax

De la Nouvelle-Calédonie à l’Australie
douzième et dernière étape de cette transpacifique
du 9 au 15/06/2019
816 Mn dont 43 Mn au moteur – 6 jours et 18 heures de navigation
vitesse moyenne : 5 Nds
meilleur 24h (J3) : 152 Mn (6,3 Nds de moyenne)
pire 24h (J6) : 79 Mn mais seulement 60 Mn sur la route directe (2,5 Nds de moyenne sur axe)

Les horaires sont en heure locale formatés sur 24 heures

Douzième et dernière étape de cette transpacifique de la Nouvelle-Calédonie à l'Australie

Douzième et dernière étape de cette transpacifique de la Nouvelle-Calédonie à l’Australie

Après un an d’escale en Nouvelle-Calédonie, départ le 9 juin 2019 à 7:00 (UTC+11) de la baie de l’Orphelinat. Port d’entrée visé en Australie : Brisbane, capitale du Queensland, 790 milles au WSW.

Pour la première fois, nous nous lançons dans une navigation longue au large sans l’appui météo offert par une connexion Iridium. Comparée à notre aller-retour en Nouvelle-Zélande, cette étape plus courte, dans les alizés, entre 22 et 27° de latitude Sud ne présente à priori pas de difficulté particulière. C’est donc le moment idéal pour s’émanciper des satellites au profit des ondes radio hautes fréquences.

Cartes météofax

Callés sur les ondes courtes (SW) en mode BLU (SSB), nous pouvons avec notre poste radio Sangean ATS-909X recevoir directement sur l’ordinateur des cartes météofax. Contrairement aux fichiers Grib par Iridium, les cartes météofax ne sortent pas brutes du modèle météo NOAA-GFS, elles ont été retraitées par des prévisionnistes. Du fait du coût (élevé) de la connexion Iridium, on cherche toujours à minimiser la taille d’un fichier Grib et donc la surface de la prévision, conséquence on ne connait pas le contexte dans lequel on navigue, on a comme des œillères. Les cartes météofax par contre donnent à l’échelle synoptique (planétaire) une vision d’ensemble sur une large portion d’océan de la situation météo, elles sont plus pédagogiques car elles permettent de suivre et d’affiner sa compréhension des phénomènes météo et cela gratuitement.

Un point délicat concerne l’installation et le paramétrage de l’ensemble du système : l’antenne (les filières du bateau), le récepteur radio, le PC et le logiciel (JVComm32). Concrètement, le récepteur radio capte un signal qui alterne entre deux tonalités, chacune représente un pixel, noir ou blanc ; un câble audio entre la sortie line out de la radio et l’entrée microphone de la carte son permet au PC de réceptionner le signal ; le logiciel le démodule et dessine en temps réel, ligne par ligne, l’image de la carte météo sur l’écran.

Quelques exemples des météofax reçus, les cartes 4-day forecast sont les plus intéressantes ainsi que les cartes Analysis qui donnent à l’avant des fronts les vents observés sur le terrain.

Second point, la qualité de la réception est aléatoire. Durant cette traversée nous captions le signal de l’émetteur de Charleville (VMC) qui arrose la côte Est de l’Australie. Entre le 11 et le 14 juin, nous avons reçu trois à cinq cartes météofax lisibles par jour, un bon score. Au moment de la diffusion des cartes qui nous intéressaient, il fallait passer sur la batterie du PC car son alimentation 16V parasite la réception du signal. Une fois rodé, ça marche tout seul grâce aux séquences de signaux de début et fin d’émission des cartes, le logiciel reçoit et archive les images automatiquement.

Pour avoir une idée des cartes météofax australiennes disponibles et de leurs horaires de diffusion : VMC & VMW Radio Fax Schedule.

Ajout du 9/11/2023 :
Durant les 23 jours de notre traversée de l’océan Indien, de l’île Bali à l’île Rodrigues, nous nous en sommes entièrement remis aux météofax. Pour en savoir plus : L’Indien en 23 météofax.

09/06, 7:00 (UTC+11), top départ !

09/06, 7:00 (UTC+11), top départ !

Le début de la traversée surfe la squash zone du flanc Nord de l’anticyclone à 1025 hPa centré en Mer de Tasman.

Ce dimanche 9 juin, la prévision de hauteur des vagues significatives, houle et mer du vent conjuguées, est encore annoncée à 2,8 mètres à 7:00. Cela fait déjà trois jours que nous délayons le départ, la prévision de descente rapide, 0,2 mètre par tranche de trois heures et la fréquence longue de la houle, 14 secondes, nous décident à lever le camp.

Idéalement, nous voulions partir la veille afin de gagner une douzaine d’heures sur la fenêtre météo. En effet, avec le déplacement de l’anticyclone à l’Est et la formation de bulles de hautes pressions sur le continent-île, la dernière centaine de milles avant de toucher la côte australienne traverse un marais barométrique qui pourrait compromettre notre évolution sous voiles.

Quand nous sortons du lagon par la passe de Dumbéa à 9:00, l’état de la mer est finalement très correct pour L’Envol, nous regrettons d’avoir trop attendu. Pour l’équipage par contre, l’amarinage après une escale aussi longue est difficile, nous sommes tous les deux malades.

Cet espacement des isobares sur le flanc Ouest de l’anticyclone en fin de période nous incite à rester au Nord de son flanc Nord le plus longtemps possible, nous déciderons les dernières 24 heures, en approche des côtes australiennes, si nous infléchissons notre trajectoire au Sud vers Brisbane ou si nous continuons sur le même cap – quasi plein Ouest – vers Bundaberg.

Les quatre premiers jours sont rapides, 12-18 Nds par le travers tournant Est en fin de période et mollissant. J1 : 135 Mn, J2 : 143 Mn, J3 : 152 Mn, J4 : 140 Mn, soit 142,5 Mn de moyenne journalière, une session à quasi 6 Nds !

On réalise soudainement que même en tenant cette allure, il nous faudrait 36 heures pour couvrir les 220 Mn restants jusqu’à Bundaberg – le port d’entrée le plus proche – signifiant un atterrissage le vendredi soir à 18:00 heure locale de la côte Est australienne (UTC+10) et donc des formalités effectuées le week-end au tarif week-end soit majorées de 75% ! Encore une raison qui nous fait regretter de ne pas être partis 12 heures plus tôt !

Après 4½ jours le grib est étonnamment concordant avec la prévision récente (H+44) du météofax. On voit bien le trough (queue de dépression) du météofax sur le grib : le zigzag bleu sur Sydney qui part en diagonal au NW.

Jour 5, 13/06, 116 Mn. Le vent continue sa rotation antihoraire, passant ENE plein arrière et même NE. L’anticyclone poursuivant sa course Est et la nôtre Ouest, on s’éloigne progressivement de son centre. En quittant sa face Nord bien alimentée pour son coin NW, on traverse des isobares qui s’avachissent ; les alizés – qui suivent le mouvement rotatif des hautes pressions – s’infléchissent sensiblement par le Nord.

Le soir je constate que la girouette Windex est bloquée par l’antenne VHF. Cette dernière est étrangement inclinée sur tribord, probablement un oiseau de belle taille aura vu en elle un perchoir idéal, je suis bon pour un aller-retour dans les hauts pour redresser son support en alu un peu trop tendre.

Une journée chargée en manœuvres afin de maintenir notre cap plein vent arrière, la configuration en papillon confirme son efficacité tranquille pour absorber les changements fréquents d’amure.

Jour 6, 14/06, 79 Mn. A 8:00 (UTC+10) le vent tombe complètement. Nous sommes à vue du rail des cargos, on affale tout et j’en profite pour piquer une tête.

Le courant orienté Nord – Sud qui longe la côte Est d’Australie est déjà perceptible alors que nous sommes encore à 55 milles du Sandy Cape au Nord de Fraser Island. On dérive à presque 1 nœud plein Sud durant deux heures.

Une brise légère finit par s’installer sur notre route, dans ces conditions peu manœuvrantes pas d’autre choix que d’aller avec le courant, l’option Brisbane reprend donc du service grâce au gennaker. Malheureusement, à la nuit le vent retombe, le trough prévu pour dimanche nous presse un peu alors changeant encore une fois de stratégie, nous décidons de faire route sur Bundaberg à moins d’une centaine de milles à notre Ouest contre encore 175 milles au SSW pour Brisbane. C’est parti pour 42 milles de moteur jusqu’au matin. Dommage car notre descente de 20 milles avec le courant nous donne maintenant un cap légèrement à contre-flux ! Si près des côtes, nous maintenons toute la nuit une veille attentive à tour de rôle.

L’objectif est d’atteindre le Breaksea Spit au Nord du Sandy Cape à l’étale de pleine mer de 7:00 (UTC+10) afin de couper le détour du cap au plus court dans une zone de faibles profondeurs sur laquelle la mer brise en temps normal. Autant tirer un avantage de cette pétole qui nous oblige à faire du moteur mais dont le corollaire est une mer d’huile.

Avec tous ces atermoiements, durant ces dernières 24 heures, nous ferons à peine 60 Mn sur la route directe soit 2,5 Nds de moyenne sur axe !

Jour 7, 15/06, 51 Mn en 18 heures (vitesse moyenne 2,9 Nds !). Au lever du jour le vent reprend suffisamment de vigueur pour nous permettre de franchir les shoals du Breaksea Spit sous voiles. Une petite brise nous emmène ensuite à faible vitesse sous gennaker à travers la Hervey Bay jusqu’à l’embouchure de la Burnett River. Dix milles avant l’arrivée, Carina contacte par VHF les Volunteer Marine Rescue de Bundaberg (VMR 488) qui nous indiquent la zone de mouillage d’attente.

A 23:37 (UTC+10), le samedi 15 juin 2019, nous jetons l’ancre non loin du quai de quarantaine de Bundaberg Port Marina. Nous sommes en Australie, dans le Queensland, 160 milles au Nord de Brisbane.

En comparant la prévision du grib de départ et la réalité de celui d’arrivée, on constate que la situation déjà pas fameuse au départ a évolué plus largement vers la pétole que prévu, un large marais barométrique referme durablement cette fenêtre météo derrière notre sillage.

Le lendemain matin, dimanche 16 juin, nous prenons place le long du quai de quarantaine de Bundaberg Port Marina. L’officier des douanes arrive, il foule du pied le quai truffé de fientes et monte à bord avec ses rangers noires. Ses premiers mots sont pour nous annoncer que nous ne sommes pas dans le « système », avez-vous envoyé votre « notice of impending arrival » avant votre départ ? Si cette formalité n’est pas satisfaite, il s’agit d’une offense grave sujette à prison et une pénalité de 3’500 $ par application plus le bateau, 10’500 $ (6’660 €) au total !

Heureusement, il peut constater dans notre logiciel de messagerie la présence du mail salvateur avec la bonne adresse email d’envoi, ouf ! Il semblerait que l’apostrophe de L’Envol pose un problème avec le système informatique anglais qui en est démuni et que notre ETA déchu à Brisbane n’arrange pas les choses. Une connexion à internet permet de recevoir tout le trafic généré par cette formalité et les questions restées en suspens puisque nous étions déjà en mer.

A partir de là, la situation se détend et l’échange devient convivial. En plus, les formalités de douane sont gratuites pour le plaisancier, les majorations de week-end sont prises en charge par leur administration. Nous évitons la venue des chiens à bord, sensés renifler un éventuel effluve de drogue, juste parce que personne ne veut travailler ce dimanche, l’officier se démène pourtant au téléphone pour motiver les troupes. Les formalités se terminent avec la remise de notre permis de navigation. Nous sommes tenus de reporter notre position tout les trois mois.

Cerise sur le gâteau de cette navigation facile mais laborieuse, la biosécurité ne viendra pas aujourd’hui, le contrôle se déroulera lundi, donc sans « overtime charges », qui plus est nous profitons tout ce temps des services de la marina gratuitement !

Le quai de quarantaine (merci Tony pour la photo)

Le quai de quarantaine (merci Tony pour la photo)

Le lundi 17 juin, on prépare le bateau pour le « timber control », le cockpit est plein de nos affaires, pourvu qu’il ne pleuve pas. En fin de matinée, l’officier de la biosécurité nous visite. Pleine d’entrain, Amy nous révèle que nous sommes le second plus petit bateau qu’elle contrôle ! Tout en faisant le job, elle s’intéresse à notre vie sur l’eau et on en oublierait presque l’heure qui tourne. A priori, le contrôle se paye par tranches de 15 minutes : 50 $ le quart d’heure. Dans notre cas – un bateau récent, propre, en fibre – et parce qu’elle parle beaucoup – dixit l’intéressée – elle nous propose de payer les 100 $ incompressibles de l’entrée du bateau, plus 30 $ de charges de bureau et deux fois 50 $ de charges d’inspection, soit trente minutes de contrôle. On s’en sort pour 230 $ (145 €) au total, un bon score. Si on agrège les 280 $ pour nos visas d’un an, le coût de notre entrée en Australie s’élève à 510 $ (320 €) toutes formalités comprises.

On y est !

On y est !

On peut descendre le drapeau jaune de clearance qui flottait dans les haubans et retrouver notre liberté de mouvement. Nous l’avions déjà discrètement étrennée en dînant la veille sur le trimaran de Tony et Dorothy, une invitation qui tombait à point puisque nous n’avions plus de produit frais à bord. En effet, le jeu consiste à dimensionner l’avitaillement pour ne rien avoir à jeter durant le contrôle de la biosécurité.

Cette dernière traversée clôture notre transpacifique initiée le 22 février 2016 au Chili à Valdivia. Il nous aura fallu trois ans, trois mois, trois semaines et trois jours pour franchir ce grand Océan !








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La trace GPS du bateau, nos traces GPS à terre (en trek, en stop…) et nos waypoints d’escales dans le Pacifique Sud sont visibles et téléchargeables gratuitement à partir de cette carte du voyage interactive. Sur un fond d’images satellites, vous pouvez zoomer, vous déplacer et cliquer sur les traces et les escales de L’Envol pour obtenir plus d’information.

Publié le 26/07/2019 de la ville de Airlie Beach, Queensland, Australie, GPS 20 16.07 S 148 43 E

Envie de nous donner un coup de main ? Visites la page de financement participatif de L’Envol : www.intothewind.fr/crowd-funding/

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